Samedi 28 juin 2025, par une belle matinée, ciel bleu parsemé par quelques nuages blancs, 36 ingénieurs et scientifiques d’IESF-Alsace et du VDI-Schwarzwald, leur partenaire de la forêt-Noire, se sont retrouvés dans cet écrin de verdure qu’est le val de Klingenthal, non loin du Mont Saint Odile et d’Obernai, pour visiter le musée, « la Maison de la Manufacture d’Armes Blanches »
Quelques-uns des participants, arrivés à l’heure et attendant les retardataires à l’ombre d’un mur.
Nous sommes reçus par Séverine Diemer à l’accueil et par Marc Adolf, président de « l’Association Pour la Sauvegarde du Klingenthal »
Nous formons deux groupes pour faciliter la visite guidée. Un groupe de langue française avec Séverine comme guide et un groupe de langue allemande avec Marc comme guide.
Nous allons suivre Marc, qui parle un excellent allemand, pour visiter d’abord le village entourant le musée
D’entrée Marc nous explique que Klingenthal n’est plus qu’un lieu-dit et fait partie de la commune de Boersch. « Etant natif de Klingenthal, je me suis intéressé très tôt à l’histoire du village et aux vestiges du passé et je suis devenu aujourd’hui le président de l’association pour sa sauvegarde ».
De nombreux visiteurs de Klingenthal me posent la question, « où était donc la Manufacture ? »
La réponse est toute simple : il s’agissait du village tout entier.
Le nom « Klingenthal » signifiant « Vallée des lames » a été donné par les premiers ouvriers de la Manufacture, originaires de Solingen dans le duché de Berg (Ruhr actuelle en Allemagne).
La première manufacture d’armes blanches française est fondée en 1730 à la demande de Louis XV, qui ne voulait plus dépendre de Solingen pour l’approvisionnement de ses troupes.
Le choix de Klingenthal n’est pas innocent : la proximité de la frontière, la pratique du dialecte germanique et la présence de communautés protestantes, devaient permettre l’intégration des ouvriers spécialisés débauchés dans le duché de Berg, qui apportèrent non seulement leur savoir-faire, mais encore le fer forgé de la Ruhr, réputé de meilleure qualité.
Ces OS sont secondés par de nombreux ouvriers venant des villages alentour. La Manufacture compte environ 700 employés à son apogée.
Le village-manufacture s’étire sur environ 1500 m le long de la rivière Ehn. Un réseau hydraulique complexe et original est mis en place : des canaux amènent l’eau sur des roues à augets entraînant les martinets de forge et leurs soufflets, ainsi que les meules d’aiguiserie.
Les ateliers sont ainsi tous situés le long des canaux.
Aux bâtiments appartenant à la Manufacture s’ajoutent les maisons d’habitation privées qui abritent les ouvriers protestants venus de Solingen.
Ainsi s’est constitué petit à petit un village-manufacture protestant dans un milieu catholique de la région.
L’histoire de cette manufacture d’Armes Blanches à statut militaire, dépendant directement de l’État français (Royauté, Révolution, République, Empire, Royauté à nouveau) est relativement brève puisqu’elle n’a duré que de 1730 à 1836, Elle est reprise ensuite par la Société Coulaux, produisant des armes blanches jusque vers 1930 et des faux et faucilles de 1840 à 1962.
La manufacture ferma en 1962, mais son patrimoine est aujourd’hui rassemblé et exposé au sein du musée du Klingenthal, que nous allons découvrir maintenant.
Nous suivons Marc qui nous emmène directement dans la forge pour nous expliquer que les étapes de fabrication d’une arme blanche sont complexes.
Une douzaine de professions se relayaient pour la fabrication d’un sabre :
l’affineur, qui travaillait l’acier brut sur une enclume pour lui donner les qualités requises,
le forgeur, qui intervenait ensuite pour donner la forme grossière aux garnitures, fourreaux ou baïonnettes. Et bien sûr
les limeurs affinant la forme sur des meules à profiler
les aiguiseurs donnant le tranchant final à la lame sur des meules de grand diamètre en grès des Vosges
les polisseurs, apportant la touche finale pour un brillant de lame proche du chrome
Derrière des vitrines nous pouvons admirer divers modèles de sabres et d’épées pour hommes de troupe et officiers (lames joliment décorées), ainsi que des cuirasses fabriqués à Klingenthal aux époques royales puis impériales, et qui ont accompagné les armées françaises lors des batailles napoléoniennes.
Klingenthal, village-manufacture, était une colonie industrielle unique en Alsace, marqué comme au fer rouge de la forge par son histoire singulière. Aujourd’hui, le site cherche à valoriser son patrimoine unique à travers son musée, « La Maison de la Manufacture ».
Nous remercions vivement Séverine et Marc de nous avoir fait découvrir ce site unique, qui constitue une belle page de l’histoire mouvementée de l’Alsace
29 visiteurs se retrouvèrent ensuite au restaurant l’Elsberg à Ottrott pour un déjeuner convivial franco-allemand
Nous nous quittâmes contents et heureux d’avoir pu échanger avec nos amis allemands et en promettant de nous revoir à la rentrée pour une autre visite intéressante
Secrétaire général d’IESF-Alsace / ARISAL